« Le disruptif, c’est subjectif »

En marketing, une stratégie de disruption consiste pour une marque à se positionner en bousculant les codes d’un marché ou à se redéfinir en mettant en question son propre discours. Concrétisation en communication : la marque concernée envoie des messages surprenants pour le secteur d’activité auquel elle appartient ou pour l’idée qu’on se fait d’elle.

« Mais, me direz-vous, le disruptif, c’est subjectif ! » En effet, jusqu’où faut-il pousser le curseur pour obtenir la réaction escomptée ? À partir de quand en a-t-on trop fait ? Faut-il systématiser une approche disruptive ? Rien n’est gravé dans le marbre, mais lorsqu’elle est utilisée à bon escient, cette technique rend l’annonceur plus proche, plus sympathique, plus humain et souvent… plus drôle. Voici quelques exemples récents, à mon sens très pertinents.

La Marine nationale

On le sait, depuis la fin de la conscription, l’Armée française mène régulièrement des campagnes de recrutement. Ainsi, celle qu’on surnommait « La grande muette », est devenue de plus en plus bavarde… et de plus en plus habile.

Avec cette campagne, la Marine nationale montre qu’elle est un employeur comme les autres ; et qu’être militaire, c’est aussi (et surtout) pratiquer son métier dans des conditions exceptionnelles. En outre, cette petite touche décalée rend l’institution plus accessible (« Nous aussi on est des humains, faut pas croire ! »).

Uber Eats

Uber Eats dérange ? Eh bien chez Uber Eats on assume et on alimente le débat… Dès l’apparition de sa nouvelle signature, Parlons bouffe, l’entreprise annonçait la couleur, du genre « On est entre nous, on va pas y aller par quatre chemins ». Elle choisissait le terrain de l’impertinence débridée. Cette campagne enfonce le clou…

Ici, on aborde franchement des sujets de société avec un humour en même temps insolent et rassembleur. Et finalement, malgré sa mauvais réputation (et ses pratique limites), on est rassuré : Uber Eats fait des grosses blagues de potes… et se place du côté de la bien-pensance.

Airbnb

Autre star de l’ubérisation : Airbnb. Par cette campagne, la marque nous démontre une nouvelle fois qu’elle ne vend plus un service de débrouille vaguement baba cool, mais de la branchouille, voire de l’exception, du chic et du rêve.

 

Seulement il y a un souci : il existe de nombreuses zones de notre bon territoire national où le prix de l’immobilier à tellement grimpé que les autochtones ne peuvent plus y loger. Et Airbnb et ses petits camarades n’y sont peut-être pas pour rien. Là, pour le coup, ses communicants n’ont pas tout maîtrisé.

Naturalia

Enfin, Naturalia démonte avec impertinence des a priori de toujours, que certains acteurs publics brandissent régulièrement : eh bien non, une bonne fois pour toutes, manger bio n’impose pas de s’éclairer à la bougie !

La marque capitalise sur sa baseline et nous confirme que : non, les consommateurs de bio ne sont pas des intellos austères ; oui, ils sont capables de goinfrerie ; oui, ils aiment les êtres humains et peuvent éprouver de vrais sentiments envers l’un d’entre eux ; et oui, on peut se convertir au bio et conserver son style de vie !

Comment dire ?… ou pas

Chers amis,

Alors que nous vivons depuis des mois une intense période de communication entre dirigeants, scientifiques, experts de tous ordres et citoyens ; alors que nous savons tous depuis bien longtemps que la communication est un élément indispensable au bon (ou moins bon) fonctionnement des sociétés, je me suis souvenu d’un petit texte trouvé dans un polar asiatique très drôle et atypique (conseil de lecture en passant), que je vous livre ci-dessous…

 « Dans des temps reculés vivait un homme du nom de Tang Sheng. Il se considérait lui-même comme un homme très sage. Il avait entendu dire que le savant Zhu Gumin possédait de grands pouvoirs avec les mots.

Il invita Zhu Gumin chez lui et lui parla ainsi :

– On m’a dit que vous saviez utiliser les mots avec talent. Il paraît que vous pouvez même faire sortir les gens de chez eux seulement par la ruse. Mais je crois que vous ne réussirez jamais à me faire sortir de chez moi.

Et Zhu Gumin lui répondit :

– C’est l’hiver. Il fait très froid dehors. Je préfèrerais utiliser mes pouvoirs pour faire entrer quelqu’un dans une maison. Il me suffirait de décrire la chaleur et le confort de la maison avec un telle force de persuasion que la personne ne pourrait y résister ; elle se sentirait obligée d’entrer, même si elle voulait rester dehors.

– Essayons, proposa Tang Sheng. Il sortit dans le jardin glacé. À présent, utilisez vos mots pour m’attirer à l’intérieur.

Mais Zhu Gumin ne dit rien.

Tang Sheng lui demanda encore d’utiliser son pouvoir des mots.

Zhu Gumin ne dit toujours rien. »

Maitredefengshuiperd