La réalité diminuée

If AI becomes conscious: here's how researchers will know

On n’est pas naïf non plus

L’année 2023 a été marquée par le surgissement de Chat GPT dans le débat public, et avec lui des IA en général. Après une période d’étonnement (au sens littéral, « frappé par la foudre ») voire de stupeur, on s’est aperçu que le terme intelligence n’était peut-être pas si approprié que ça (même si, d’ici quelques années…), et que monsieur GPT allait passer un moment dans le rôle de fidèle assistant avant de revoir ses ambitions à la hausse – tout en sachant que ça allait nous tomber dessus tôt ou tard, on n’est pas naïf non plus.

Vraiment trop docile…

Bon d’accord, l’intelligence artificielle n’est pas à proprement parler intelligente, mais elle est sans conteste chaque jour plus performante, et toujours aussi… désespérément docile. Alors OK, fidèle assistant, mais comment, et de qui ? Tous ceux d’entre nous qui ont essayé Chat GPT ont constaté que selon la demande, la réponse pouvait être tout aussi crédible qu’erronée. La paresse de certains scientifiques qui ont publié quasiment tels quels des articles écrits par leur fidèle assistant dans des revues très sérieuses a finalement été démasquée, mais jusqu’à quand ?

Ils ne sont pas gentils !

Poussons le curseur un peu plus loin… Si ce genre d’anecdote peut prêter à sourire (quoi que…), nous savons que nombre de lascars pas tous très gentils sont passés maîtres dans l’utilisation de la bête docile et de sa puissance exponentielle. Avec eux, la présence de l’IA et de son potentiel de nuisance est déjà devenue presque banale sur les terrains économique, politique ou géopolitique ; alors, prenons acte du fait que la bonne vieille fake news à la papa est en voie de disparition et saluons l’éblouissante et bluffante deepfake. Ainsi, la réalité se dissout dans des océans de gros vilains mensonges, son terrain est rogné par la gloutonnerie des « vérités alternatives » ; et si nous nous sommes récemment émerveillés devant la réalité augmentée, aujourd’hui, constatons l’avènement de ce que j’appelle la « réalité diminuée ».

Car pendant que la réalité augmentée est enrichie par un outil ou un procédé quelconque, la réalité diminuée est affaiblie par des agressions destinées à la faire disparaître.

1984 2.0

J’ai publié il y a quelques années un roman intitulé « L’Usine » (Éditions D’un Noir si Bleu) qui avait été à l’époque qualifié de 1984 2.0. Cette dystopie est basée sur le constat que l’humain est en mesure de s’infliger les pires difficultés, les pires calamités tout seul, que la plupart de ces calamités sont simplement issues de son état d’humain. De la création de systèmes politiques ou économiques aberrants à la mise en œuvre d’armes de destruction massive, il est son propre bourreau : besoin de personne, tout seul comme un grand. Bon, il est aussi capable de l’inverse.

Mais quand même

En communication (comme dans d’autres secteur d’activité, mais quand même), nous avons des questions à nous poser. À la différence du monde de l’information, celui de la communication flirte avec le réel. Il joue de la séduction qui est, il faut l’avouer, une légère distorsion de la réalité. Bien entendu, les outils IA intègrent petit à petit le quotidien des communicants ; ceci dit, nous avons déjà vécu quelques révolutions, ces derniers temps… Alors on fait quoi ?

Et n’hésitez-pas à donner un coup d’œil à mon portfolio, il y a des nouveautés…

Les photos amusantes d'Hilary Campilan réalisées avec l'IA

Photo Hilary Campilan

La Femme à 1 000°

Invité à une séance de dédicaces dans une librairie dijonnaise pour mon dernier roman, L’Usine, je m’ennuyais un peu (et oui, je ne suis pas Amélie Nothomb, et il m’arrive de rester quelques brefs instants seul à ma table). Mon regard errait donc sur les rayonnages, lorsqu’il fut arrêté par un drôle de personnage en photo sur une couverture : lunettes noires, cheveux blancs, pleine face, portant une cigarette à ses lèvres. « Qu’est-ce que Karl Lagerfeld peut-il bien faire sur la couverture d’un roman ? », me dis-je avant de me rétorquer que « connaissant quelque peu la personnalité du bonhomme, je serais bien étonné qu’il fumât ».

Couv Femme 1 000°

Je m’approchai et découvris mon erreur : c’était une vieille femme, qui tirait sur sa clope avec détermination. Le titre : La Femme à 1 000°. L’auteur (ça se complique) : Hallgrimur Helgason (Islandais s’il en est). Avant même de lire la 4° de couverture, je savais que ce roman serait mon futur coup de cœur.

Avec les livres comme avec d’autres objets à potentiel émotionnel, il existe une alchimie qui agit, sans qu’on ne sache comment, et nous amène à des certitudes en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire… Des coups de cœur, quoi ; pas besoin que j’en fasse des tonnes.

Je ne fus pas déçu. Je vous plante le décor. Herbjörg Maria Björnsson vit depuis quelques années sur son lit dans un garage. Ses seuls amis sont Facebook, ses cigarettes, une vielle grenade allemande et les huit cancers qui ne parviennent pas à en venir à bout. Elle a 80 ans et elle nous raconte sa traversée du siècle jalonnée d’amants (parfois glorieux), de fêtes, de voyages, de scandales et de cadavres. Assez rapidement, ce livre m’a fait penser à Little Big Man, film d’Arthur PennDustin Hoffman incarne Jack Crabb, un centenaire qui narre ses multiples vies à travers les États-Unis du XIX°, puis XX° siècle. Avec La Femme à 1 000°, au delà de la métamorphose de Rekjavik, des Islandais et de l’Islande, on assiste de près à la deuxième guerre mondiale dans toute l’Europe, on découvre le seul Islandais qui combattra en uniforme allemand, on rencontre le frère d’Hitler, on croise John-Lennon, on fuit la Pologne, on vit en Argentine avec une bien étrange famille, etc.

Herbjörg Maria Björnsson, de petite fille à vieille femme, parcourra son existence à une cadence folle, oubliera des enfants deci delà, plaquera de nombreux hommes, perdra tout sauf une chose : sa liberté.                              Et pourquoi 1 000° ? Je vous le dirai pas !

À lire d’urgence, mais à ne pas commander sur Amazon.