Mais d’abord, je dois vous faire une confidence : je suis un bassiste raté. J’ai passé mon adolescence à essayer de ressembler à mes idoles, et puis j’ai fini par laisser tomber… Mais comme je ne suis pas le mauvais bougre, j’ai décidé de vous les présenter, ces super héros qui peuplaient mes rêves. De temps en temps, je reviendrai vers vous avec des extraits de leurs prestations (exploits ?). Commençons par une improvisation du génial Jaco Pastorius, alors qu’il faisait partie du cultissime Weather Report. 1977, vous verrez, c’est vintage à mort…
Groupie
Si la vie m’abandonnait, elle perdrait l’un de ses plus grands fans.
Des expressions et des époques…
L’autre jour, j’étais devant ma télé et je regardais les JO de Sochi (ou Sotchi : apparemment les deux s’utilisent ; pour ma part, j’ai décidé d’adopter l’orthographe du site officiel, celle-là même qui s’affichait élégamment sur la tenue de nos commentateurs). Je ne sais plus ce que me montrait mon petit écran – un couple de patineurs virevoltant en tenues aussi roses que vaporeuses, un fou furieux sautant à plus de 100 mètres avec une simple paire de skis, quatre malabars poussant un véhicule branlant sur une pente glacée ou trois étranges personnages munis de balais s’escrimant autour d’une lourde pierre – ce que je me rappelle, ce sont les mots d’un journaliste exalté : « Pas de doute mon petit Jean-Mimi, il(s) va (vont) renverser la table ! »
Nous l’avons tous remarqué, il y a des expressions qui surgissent à une époque et disparaissent plus ou moins subitement. Souvenons-nous du fameux « tout à fait » au temps ou le jeu du « ni ou ni non » faisait fureur sur la 3 (mais si, FR3 !) à une heure de grande écoute, ou du « ça m’interpelle » (et certains y allaient même de leur « au niveau du vécu ») alors que les psys de toutes sortes se multipliaient. Si ces deux locutions n’ont pas disparu, nous pouvons raisonnablement affirmer qu’elles sont pour le moins tombées en désuétude.
Selon moi, « Renverser la table » est apparue au début des années 2010, dans la bouche des commentateurs sportifs et des journalistes politiques. Il y eut d’ailleurs un pic durant la campagne électorale de 2012. Depuis ça s’est calmé, mais ça resurgit de temps en temps. « Et alors, quoi ? », me direz-vous.
Eh bien je prétends que certains mots, certaines expressions sont révélateurs d’une époque. Je fais par exemple partie de ceux qui utilisent les néologismes « chronophage » ou « anxiogène » ; et je doute que dans les bistros de notre bonne vieille France rurale d’antan on eût pu entendre, autour du petit blanc de dix heures : « S’il continue à ne pas pleuvoir, ma foi, ça va devenir anxiogène », ou « La bêche, c’est vraiment trop chronophage ».
« Renverser la table » me semble nous parler clairement de nous, alors que nous passons presque tous la plupart de notre temps derrière un bureau ou autour d’une table de réunion. Mais au delà de ce constat, je me demande si cette formule n’est pas l’expression d’une certaine neurasthénie ambiante. Je n’entends plus, par exemple : « Il va casser la baraque », ou « Je vais tout faire péter ». Non, aujourd’hui, on se contente de « renverser la table »…
La Femme à 1 000°
Invité à une séance de dédicaces dans une librairie dijonnaise pour mon dernier roman, L’Usine, je m’ennuyais un peu (et oui, je ne suis pas Amélie Nothomb, et il m’arrive de rester quelques brefs instants seul à ma table). Mon regard errait donc sur les rayonnages, lorsqu’il fut arrêté par un drôle de personnage en photo sur une couverture : lunettes noires, cheveux blancs, pleine face, portant une cigarette à ses lèvres. « Qu’est-ce que Karl Lagerfeld peut-il bien faire sur la couverture d’un roman ? », me dis-je avant de me rétorquer que « connaissant quelque peu la personnalité du bonhomme, je serais bien étonné qu’il fumât ».
Je m’approchai et découvris mon erreur : c’était une vieille femme, qui tirait sur sa clope avec détermination. Le titre : La Femme à 1 000°. L’auteur (ça se complique) : Hallgrimur Helgason (Islandais s’il en est). Avant même de lire la 4° de couverture, je savais que ce roman serait mon futur coup de cœur.
Avec les livres comme avec d’autres objets à potentiel émotionnel, il existe une alchimie qui agit, sans qu’on ne sache comment, et nous amène à des certitudes en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire… Des coups de cœur, quoi ; pas besoin que j’en fasse des tonnes.
Je ne fus pas déçu. Je vous plante le décor. Herbjörg Maria Björnsson vit depuis quelques années sur son lit dans un garage. Ses seuls amis sont Facebook, ses cigarettes, une vielle grenade allemande et les huit cancers qui ne parviennent pas à en venir à bout. Elle a 80 ans et elle nous raconte sa traversée du siècle jalonnée d’amants (parfois glorieux), de fêtes, de voyages, de scandales et de cadavres. Assez rapidement, ce livre m’a fait penser à Little Big Man, film d’Arthur Penn où Dustin Hoffman incarne Jack Crabb, un centenaire qui narre ses multiples vies à travers les États-Unis du XIX°, puis XX° siècle. Avec La Femme à 1 000°, au delà de la métamorphose de Rekjavik, des Islandais et de l’Islande, on assiste de près à la deuxième guerre mondiale dans toute l’Europe, on découvre le seul Islandais qui combattra en uniforme allemand, on rencontre le frère d’Hitler, on croise John-Lennon, on fuit la Pologne, on vit en Argentine avec une bien étrange famille, etc.
Herbjörg Maria Björnsson, de petite fille à vieille femme, parcourra son existence à une cadence folle, oubliera des enfants deci delà, plaquera de nombreux hommes, perdra tout sauf une chose : sa liberté. Et pourquoi 1 000° ? Je vous le dirai pas !
À lire d’urgence, mais à ne pas commander sur Amazon.